L’espace en ligne, de l’infraction numérique à l’accompagnement éducatif chez les mineurs

Synthèse du rapport "De l'infraction numérique à l'accompagnement, la justice des mineurs face aux usages en ligne" rédigé sous la direction d'Emilie POTIN et Gaël HENAFF (décembre 2023)

L’évolution constante de l’accès au numérique en France témoigne de la dématérialisation de notre société qui touche également le monde judiciaire. L’espace des infractions dans la réalité se trouve aujourd’hui prolongé dans le virtuel avec l’espace en ligne qui devient, à son tour, lieu de délinquance numérique.

Contexte et objectifs

Ce document explore la délinquance numérique chez les jeunes et le rôle de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) dans leur accompagnement éducatif. L’étude vise à comprendre quelles sont les portes d’entrées et les facteurs de la délinquance numérique chez les jeunes, premiers utilisateurs de l’espace connecté, et les réponses pénales adaptées. Elle analyse également comment la justice pour mineurs s’adapte à cette nouvelle dimension de l’espace social, et quelles sont les stratégies socio-éducatives développées pour y répondre. Les objectifs de ce rapport sont doubles : caractériser la délinquance numérique chez les mineurs et comprendre la place des technologies dans le travail socio-éducatif de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et l’adaptation des professionnels aux usages des jeunes.

Méthodologie

Les chercheurs ont utilisé des données du ministère de la Justice (2013-2019), des questionnaires (France-Québec), des immersions de terrain, et des entretiens avec des jeunes et des professionnels.

Principaux résultats

1. Une délinquance numérique plus jeune et plus féminine

Entre 2013 et 2019, les poursuites pour infractions numériques sont en nette augmentation. Elles ont triplées et sont commises par des mineurs dont la moyenne d’âge est plus précoce que pour les infractions toutes catégories confondues. Concernant le genre, le nombre de filles jugées pour infraction numérique est environ deux fois plus élevé que pour l’ensemble des infractions juvéniles. Une tendance qui se confirme chez les majeurs où on retrouve la même proportion hommes/femmes dans les poursuites d’infractions numériques. 

2. Trois types de dispositifs disciplinaires

1.L’infraction numérique comme élément majeur dans la prise en compte de la réponse disciplinaire. L’objectif est de mettre en place une pédagogie des bons usages du numérique déléguée à des organismes de formation compétents et permettre à des professionnels la découverte des pratiques juvéniles en ligne.

2.L’infraction numérique comme élément secondaire : la réponse disciplinaire est avant tout focalisée sur la situation globale du jeune. L’objectif de ce dispositif mono-disciplinaire vise à raccrocher le mineur à un environnement adapté à son âge (avoir un toit, suivre une formation, construire une entente avec sa famille).

3.L’infraction numérique revêt un caractère rare de par son niveau de technicité élevé. Ce dispositif vise avant tout à un accompagnement intensif et à un transfert de compétences. 

3. Adaptations socio-éducatives

 La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) doit intégrer des outils numériques (visio, SMS, courriels, etc.), modifiant ses pratiques traditionnelles. Cependant, ces changements suscitent des réactions variées, entre adoption et résistance.

Pistes de réflexion

Les données recueillies pour cette recherche amènent quelques propositions de réflexion et d’approfondissement. 

  1. Propositions sur la connaissance des infractions numériques et de leurs auteurs : renforcer les moyens de connaissance du traitement des infractions numériques dans le système judiciaire, accéder à l’ensemble des décisions rendues par les juridictions, approfondir la recherche sur la délinquance numérique des mineurs (âge, sexe, personnalité, nature des infractions, etc.).
  2. Propositions sur l’action socio-éducative à l’ère numérique : production et diffusion des connaissances sur les usages numériques des mineurs, développer des espaces de réflexion et des formations spécifiques pour les éducateurs tout en clarifiant les règles d’usages des outils numériques dans l’accompagnement des jeunes…et encore bien d’autres.
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